Répression et Covid 19 au Kurdistan irakien : quand la crise sanitaire se double d’une crise politique régionale

Le Kurdistan irakien vit à nouveau des heures dramatiques. Touché de plein fouet par la crise sanitaire liée au Covid 19, le peuple des montagnes doit en plus affronter la répression turque et iranienne sur son propre sol.

A lire sur le site du Peuple Breton

Les Kurdes d’Irak se pensaient partiellement à l’abri des vicissitudes de la région, qu’elles soient sanitaires ou militaires. Lorsque l’épidémie du coronavirus a éclaté à l’internationale en début d’année, la région a été drastiquement confinée. De fin février à fin mai, le confinement a maintenu le nombre de cas à un niveau extrêmement bas. Mais à la fin du ramadan, fin mai, les autorités ont été obligées de lâcher du lest pour permettre aux activités économiques quotidiennes de reprendre, tant la contestation populaire se faisait sentir.

Depuis la fin de ces longues semaines de privation, la situation sanitaire ne cesse de s’aggraver. Les cas de coronavirus explosent et les hôpitaux sont saturés1. D’après le site d’information Rudaw, l’épicentre serait à Sulaimaniyah avec au moins 200 cas avérés par jour pour la seule province de cette ville du sud. « Pour avoir les chiffres réels, il faudrait multiplier par 2 ou 3 », annonce le docteur Sabah Hawrami, chef des services de santé de la ville. Aucun nouveau patient n’est accepté dans les services : il faut attendre que quelqu’un sorte pour toute nouvelle hospitalisation. Dans ces conditions, comment savoir qu’elle est la véritable situation sanitaire ? Le gouvernement du KRG ( Kurdistan regional governement) annonce 5000 cas depuis le début de la pandémie. La grande majorité d’entre eux sont mis en quarantaine à leur propre domicile.

Malgré les protestations, le gouvernement opte cependant à nouveau pour le confinement de la population. Ainsi, la province d’Erbil est sous clé depuis mardi 30 juin et jusqu’au samedi 4 juillet. Les autorités n’annoncent qu’une seule semaine de confinement comme c’est l’usage depuis le début de la crise. Puis, de semaine en semaine, le confinement a été prolongé. En sera-t-il de même cette fois-ci ? Et sera-t-il généralisé à l’ensemble du Kurdistan? Les avis sont partagés.

Parmi la population, les plus fragiles restent sans doute les dizaines de milliers de réfugiés que compte la région. Les associations humanitaires expriment leurs vives inquiétudes : ainsi, les Yézidis, minorité particulièrement touchée par les atrocités commises par Daech, vivent majoritairement dans des camps de réfugiés et sont particulièrement vulnérables face au virus.

Aux structures hospitalières saturées s’ajoute la grève entamée par une partie du personnel soignant. Les fonctionnaires n’étant plus payés depuis début 2020, de nombreux secteurs sont descendus dans la rue : enseignants, peshmergas, hospitaliers… La société civile dénonce les conflits politiques et la corruption généralisée qui aggravent une situation économique rendue difficile par la chute du prix du pétrole.

Sur fond de situation sociale et sanitaire explosive, un nouveau drame est en train de se jouer au Kurdistan irakien, militaire celui-là. Les résistances kurdes de Turquie et d’Iran, sévèrement matées, trouvent un peu de repos dans les montagnes irakiennes où des bases arrières sont installées. Le PKK est ainsi présent dans le nord, à la frontière turque, dans les montagnes de Qandil, tandis que les Kurdes iraniens du PDKI se trouvent à l’est. Profitant sans doute du marasme politique que vit l’Irak depuis de longs mois, les deux puissances régionales ont violé la souveraineté nationale2 de leur voisin affaibli se lançant chacun à leur tour à l’assaut des « terroristes » kurdes.

Depuis le 17 juin, l’armée turque a lancé une vaste opération militaire contre le PKK baptisée « Griffes du Tigre ». En sus des tristement habituelles frappes aériennes dans le nord du Kurdistan irakien, une opération terrestre a été déployée. Déjà, les dommages sont considérables. Ainsi, dans la province de Duhok3, on compte une vingtaine de villages détruits, et des cultures saccagées. Le 25 juin, une station touristique était bombardée4 : à Kuna Masi, village de la province de Sulaimaniyah, une attaque aérienne a tué 6 personnes, dont une serait un militant non-identifié du PKK.

Au même moment, la République islamique d’Iran a lancé sa propre opération militaire contre le PDKI, le Parti démocratique du Kurdistan d’Iran, dont des membres seraient également présents au Kurdistan irakien. Les informations sur cette opération se font plus rares que pour l’offensive turque.

Le village touristique de Kuna Masi s’est vidé : quelques jours après l’attaque turque, il n’y a plus ni baigneur, ni pique-niqueur. Crédit photo : Solenne Horellou.

Hors d’Irak, les Kurdes continuent à vivre des heures très sombres. Au Rojava syrien, la situation des Kurdes est délétère. La province d’Afrin, occupée depuis mars 2018 par l’armée turque et ses supplétifs djihadistes, connaît une recrudescence d’actes barbares. Enlèvements, tortures, viols, emprisonnements…. De nombreuses femmes subissent la violence aveugle des occupants. Ces féminicides, présents partout d’Afrin à Istanbul, sont dénoncés par les Kurdes mais tellement peu relayés par les médias internationaux. Que faut-il qu’il se passe pour entraver la violence turque envers les Kurdes ? La deuxième armée de l’Otan a les mains libres au Moyen-Orient pour mener sa lutte acharnée contre la démocratie et le peuple kurde à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. L’historien et sociologue turc Taner Akçam5 évoque une situation comparable à l’apartheid sud-africain pour décrire ce que vivent les Kurdes. L’État dénie leur participation à la chose publique, comme à Diyarbakir où il utilise la répression judiciaire en arrêtant à tour de bras les membres de la société civile, des associations d’utilité publique, des défenseurs des droits des femmes et des partis politiques. A l’abri de chefs d’accusation fantoches, comme le soutien au PKK – considéré comme terroriste par Ankara- la justice envoie les militants derrière les barreaux pour de nombreuses années6 et annihile ainsi toute avancée démocratique au pays de la Sublime Porte. Dans ce Moyen-Orient houleux, les violences anti-kurdes semblent exacerbées, faisant reculer un peu plus les espoirs de cohabitation entre les peuples de la région.

Notes :

1. Docteur Aras Bradosty To get the authentic number, you should multiply it by three or four’ : Sulaimani is in dire straits, Rudaw 28/06/2020 – https://www.rudaw.net/english/opinion/28062020

2. Turkish operation a ‘blatant violation’ of Kurdistan Region, Iraq’s sovereignty: Peshmerga spokesperson , Rudaw 29/06/2020 – https://www.rudaw.net/english/interview/27062020

3. Lawk Ghafuri Turkey continues offensive in Zakho with combined air and ground operations, Rudaw 26/06/2020 – https://www.rudaw.net/english/kurdistan/26062020

4. Une vidéo réalisée sur les lieux en direct par un homme venu profiter de la rivière de Kuna Masi a tourné sur les réseaux sociaux quelques heures à peine après le bombardement. On y voit une famille avec deux enfants, dans l’eau, et soudain un projectile qui tombe dans un bruit assourdissant. A travers cette vidéo, les Kurdes irakiens ont dénoncé la violation de l’espace irakien par l’armée turque. Irak : une famille kurde filme en direct le bombardement d’une aire de pique-nique par la Turquie

5. Taner Akçam, Ordres de tuer. Arménie 1915 » : « Le déni du génocide des Arméniens est une politique d’Etat – propos recueilli par Gaïdz Minassian dans Le Monde 08/01/2020. https://www.institutkurde.org/info/-1232551756

6. Florian Delorme, Diyarbakir : les maires kurdes empêchés , France culture, Cultures monde, 17/06/2020 – https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/culturesmonde-emission-du-mercredi-17-juin-2020

Du côté des réfugiés kurdes en Irak

En début d’année, j’ai entamé un travail sur la situation des réfugiés kurdes du Rojava au Kurdistan irakien. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils ? Retrouvent-ils une vie «normale», ici en terre kurde ? Grâce à un ami français parlant le kurmandji, la langue des Kurdes du nord, j’ai pu m’entretenir avec le représentant élu des réfugiés Kurdes du Rojava de la région de Sulaymaniyah. J’avais déjà eu l’honneur de rencontrer ce monsieur au moment de l’invasion turque du Rojava en octobre 2019. Il organisait, avec d’autres membres de la société civile de la région, une aide humanitaire d’ampleur à envoyer aux réfugiés obligés de quitter leurs villages. Nous nous sommes entretenus une nouvelle fois, par l’intermédiaire de cet ami, début février, au café du Musée de la Prison rouge, haut lieu de mémoire à Sulaymaniyah, Kurdistan, Irak. Puis je suis partie en France, pour une petite semaine. C’est un peu court pour un si long voyage mais j’avais besoin de respirer un peu l’air de mon pays. J’ai la chance inouïe de pouvoir le faire… Finalement il n’y a pas eu de retour à cause de cette pandémie que nous n’avons plus besoin de nommer. Point de nouvelle rencontre donc avec M. Afrini ( est-ce son vrai nom ou est-il originaire de la province d’Afrine… ? L’histoire ne le dit pas…). Mes notes, elles aussi, sont restées là-bas. Sur une étagère. Alors en avant pour la mémoire.


M. Afrini a fui son pays au début du conflit, il y presque 10 ans. Depuis 2012, il représente les 40 000 réfugiés du Rojava installés dans la province de Sulaymaniyah, deuxième ville du Kurdistan irakien, au sud de la province autonome, à une heure de la frontière iranienne et environ 4h de Bagdad. Souvent, la province du Kurdistan irakien est présentée comme un havre de paix dans une région bouillonnante de violence. Les réfugiés kurdes de Syrie y viendraient par proximité culturelle. Ne sont-ils pas tous…. frères ? La réalité semble malheureusement sensiblement différente.
Après des décennies de guerres incessantes, l’Irak est l’un des pays au monde qui a connu les plus importants déplacements de population. Le dernier conflit en date, celui contre Daesh et ses sbires, a poussé, à partir de 2014, plus de 3 millions d’Irakiens sur les routes sur les 38 millions d’habitants que compte le pays (1). La moitié d’entre eux s’est réfugiée au Kurdistan irakien. Si un grand nombre sont repartis à la fin du conflit dès 2017, c’est souvent pour retrouver des villes saccagées, où toutes les infrastructures sont à reconstruire et les lieux à sécuriser. Les besoins sont immenses. Ainsi, ce sont les déplacés internes, les Irakiens eux-mêmes, qui forment la principale cohorte de réfugiés présentes sur le territoire, loin devant les réfugiés syriens qui seraient 270 000(2), soit relativement peu au regard des 12 millions de déplacés(3) dans ce pays en guerre depuis presque 10 ans. Faut-il le rappeler ? L’écrasante majorité des personnes qui migrent dans le monde le font à l’intérieur de leur propre pays ou dans un pays limitrophe, n’en déplaisent aux constructeurs de murs en Occident. Ainsi, le programme des Nations Unies pour le développement ( PNUD) estime qu’il y aurait 740 millions de migrants internes dans le monde contre 272 millions de migrants internationaux(4), c’est-à-dire ayant dépassés les frontières de leur propre état. Par conséquent, un peu plus d’un milliard de personnes n’habitent plus chez elles, soit pour des raisons économiques – dramatiques ou pas-, soit pour des raisons climatiques, ou enfin poussées par la violence de la guerre.

Les réfugiés du Rojava sont de ceux-là. Ils sont 270 000, arrivés en quatre vagues successives, au grès des temps forts de la guerre, orchestrés par la Syrie de Bachar, les islamistes ou encore la Turquie. Les camps mis en place par le Haut commissariat aux Réfugiés de l’Onu ( UNHCR) accueillent actuellement 165 000 personnes – Irakiens ou Kurdes du Rojava – sur les 650 000 réfugiés encore présents au Kurdistan, et qui risquent, pour certains, d’y rester encore de longues années. Autour de la ville de Sulaymaniyah, un seul camp de 10 000 places existe. Les 40 000 Kurdes syriens doivent par conséquent, pour la plupart se débrouiller seuls pour assurer leur quotidien: se loger, se nourrir, éduquer les enfants, se soigner… M. Afrini nous décrit un combat au quotidien, âpre et sans espoir. « Personne ne nous aide et l’apport de l’ONU est insuffisant », déclare-t-il. Ses compatriotes vivent dans la misère et n’ont par conséquent qu’une envie : partir. Mais pour aller où ? « Nous aimerions gagner l’Europe mais nous avons peur de mourir en mer », nous explique calmement le représentant, un verre de thé fumant à la main. Ma respiration se fait plus difficile… Dans deux jours, je m’envole pour la France, motivée par un séjour d’agrément familial… M. Afrini nous parle ensuite du parc Azadi, au centre de la ville. « Vous le connaissez? », nous demande-t-il. Oui, bien sûr, comme tous les habitants de Sulayamiyah, c’est un écrin de verdure où nous aimons nous promener. Au centre du parc, une étendue d’eau artificielle accueille des canards largement nourris de pain et autres friandises par la population locale. Sur la berge, se trouve une statue, en grand format, la tête dans l’eau. Il s’agit du petit Alan, dit Alan Kurdi, Alan le Kurde. Rappelez-vous, sa photo avait fait le tour du monde : ce petit corps, vêtu d’un T.shirt rouge, les bras le long du corps, la tête dans l’eau, les pieds sur le sable…. C’était en 2015. L’enfant s’était noyé après la tentative de ses parents de gagner l’Europe via une embarcation de misère. Son frère et sa maman sont eux aussi décédés. De la famille, il ne reste que le papa… M. Afrini nous raconte que le petit Alan et sa famille sont originaires d’ici. J’avoue ne pas bien comprendre… Je les croyais de Kobané…. Un deuxième entretien aurait été nécessaire…. Mais peu importe. Sa statue est là, au milieu du parc, où tous se promènent, font du sport, pique-nique… Alan est devenu un martyre, à l’instar de tous ceux tombés au combat contre Saddam Hussein, contre Daesh, et dont les portraits ornent les rues pour ne pas oublier. Alors Alan, à son tour, dans la tourmente de sa trop courte vie, est lui aussi devenu le symbole de la violence faite au peuple syrien et aux Kurdes.
Pour les réfugiés installés dans la région, il n’y a pas d’espoir ici : pas de travail, pas de possibilité de partir… Le pays est sous tension permanente : les Turcs bombardent le nord méthodiquement, dans leur lutte incessante contre le PKK, les Iraniens et les Américains ont investi l’espace irakien pour le transformer en espace de guerre, la population gronde et exige des changements devant la pauvreté endémique de ce pays riche, les milices tirent sur les manifestants, les corps tombent, se font enlever, disparaissent…. Alors oui, les Kurdes du Rojava ont une envie d’Europe. Comment les contredire ?

Pris dans notre propre tourmente du confinement, où la guerre s’est immiscée dans les couloirs de l’hôpital, où l’ennemi invisible est quotidiennement combattu par des corsaires aux blouses blanches, nous, nous restons là, chez nous. Alors on rêve. On pense à une société meilleure, où un enfant ne pourrait pas mourir parce qu’il veut vivre.


Mais c’est plutôt au cauchemar que cela vire : Idlib, Proche-Orient, nord-ouest de la Syrie. Près d’un million de personnes sont coincées entre l’armée syrienne de Bachar et l’armée turque d’Erdogan. D’un côté, il y a le discours militaire, méthodique : la presse parle du « dernier bastion terroriste ». Et pour cause : les jihadistes de tous poils se sont regroupés – ou ont été regroupés… ?- dans cette enclave au fur et à mesure de leurs défaites. Sous surveillance turque, la province devait être désarmée peu à peu. Il semblerait que la mission ait échoué. Alors l’armée syrienne régulière, celle de Bachar El Assad, est intervenue, avec l’aide de l’aviation russe. Devant l’intensité des combats, la population a fui, pensant se réfugier en Turquie, comme l’on fait avant eux plus de 3 millions de Syriens. Mais la frontière reste fermée et les combats continuent, malgré un cessez-le-feu signé il y a peu.

Nous sommes 3,5 milliards d’êtres humains confinés. Ils sont des millions sur les routes.

3,5 milliards d’êtres humains. Confinement. J + 23, France, Bretagne.

Sources :
1 : https://www.unhcr.org/fr-fr/urgence-en-ir aq.html
2 : https://data2.unhcr.org/en/situations/iraq_cccm
3 : La Syrie compte 18 millions d’habitants, et plus de 5,5 millions ont fui la guerre. La Turquie accueille 64 % des réfugiés, soient 3,5 millions de personnes. Suivent Le Liban ( 900 000 personnes), la Jordanie ( 650 000), l’Irak (248 000) et l’Égypte ( 129 000). Dans le pays 6,6 millions de personnes sont déplacées en interne. Chiffres : https://www.unhcr.org/fr-fr/urgence-en-syrie.html / au 29 février 2020
4 : https://migrationdataportal.org/fr/themes/population-de-migrants-internationaux

Une révolution populaire confisquée?

En assassinant le numéro 2 du régime iranien, Qassem Soleimani et son bras-droit irakien Abu Mahdi al-Muhandis, vendredi, les Américains vont-ils faire passer leur antagonisme contre les Perses avant l’intérêt du peuple irakien? Cette triste hypothèse pourrait devenir douloureusement réelle pour ce pays qui sort à peine la tête de l’eau depuis la guerre contre Daech.

Dans la rue depuis octobre 2019, les Irakiens transcendent les clivages religieux haineusement attisés après l’invasion américaine en 2003. Pour rappel, l’appartenance religieuse – sunnite ou chiite – n’était pas posée en ces termes avant la guerre civile qui a éclatée dans les années post-Saddam.

Depuis octobre donc, les Irakiens demandent que la gouvernance de leur pays change : la rente du pétrole ne profite qu’à certains et l’entre-soit est de mise. Avoir accès à l’électricité, par exemple, est une véritable gageure dans ce pays. De là où je me trouve, au Kurdistan, la situation est sensiblement meilleure et pourtant déjà compliquée : de longues heures durant, aucune électricité n’est fournie. Les particuliers s’équipent donc de générateurs, plus ou moins performants selon les bourses des ménages. Au-delà de cet aspect technique, se pose la question de la pauvreté, endémique en Irak. Encore une fois, le Kurdistan est plutôt privilégié même si l’accès au marché du travail reste difficile et fait s’exiler nombre de Kurdes. Et enfin, l’insécurité qui règne toujours en Irak est également un combat contre lequel la population souhaite agir. La population exige un changement et un arrêt de l’influence américaine et iranienne.

États-Unis ou Iran, ces deux pays ont pris la fâcheuse habitude de s’ingérer dans les affaires locales, pire, de les criminaliser. L’avènement de Daech, branche sunnite extrémiste, est en partie dû à l’escalade guerrière des États-Unis en Irak après 2003. Occupation du territoire, exactions, tueries, puis blocus économique ont poussé les Irakiens à se radicaliser, loin de l’idée du nationalisme laïc irakien porté par ce peuple au XXème siècle. Et les voisins du Moyen-Orient, Iran, Syrie, Turquie, n’ont pas les mains propres.

Aujourd’hui, il n’est question que des soutiens apportés aux uns ou aux autres. On interprète les réactions du peuple irakien en tremblant : ces manifestants saluent la mort de Soleimani? Les États-Unis jubilent. Des chiites appellent à la vengeance? Voilà l’Iran légitimé. Le peuple irakien se cherche une unité, alors bienheureux celui qui peut la décrire! Si les Iraniens ripostent contre l’Amérique sur le terrain irakien, c’est toute la dynamique populaire de désir de changement qui va s’évanouir. Les gens sont sortis de chez eux, au péril de leur vie ( plus de 400 morts depuis octobre dernier et des milliers de blessés), se sont retrouvés dans la rue, pour crier leur ras-le-bol, mais aussi pour discuter et réinventer leur société. Et voilà que leurs tuteurs conspués tirent à nouveau la couverture vers eux…

La langue kurde comme outil de résistance

Tout comme un arbre sans racine ne peut pas vivre, un homme sans culture est une coquille vide qui n’arrive pas à s’épanouir. Le combat mené depuis des siècles par le peuple kurde pour la reconnaissance de ses particularités, à contre-courant de l’assimilation forcée des puissances turques, arabes et perses, prend aujourd’hui la forme de la revue Kurd’Înalco, initiée par la diaspora et distribuée en France et au Kurdistan.

> A lire dans le numéro de novembre 2019 du Peuple breton

Sur la Une de la revue, en pleine page, deux personnages à l’air grave, dessinés avec des couleurs vives, accueillent le lecteur : Mem et Zîn ne se regardent pas, ils sont proches, mais comme absorbés chacun par un questionnement impérieux. Les deux amants ne peuvent pas s’aimer car leurs familles, leurs clans les en empêchent. Véritables Roméo et Juliette du Moyen-Orient, Mem et Zîn vivent au cœur de l’Empire ottoman médiéval, qui s’étend, à l’apogée de sa puissance sous le règne de Soliman le Magnifique, des Balkans à la péninsule arabique, réunissant en son sein des territoires aussi lointains que la Hongrie, la Macédoine, l’Égypte et la côte maghrébine.

Men est un prince kurde, d’une province de l’ouest. Zîn est, bien évidemment, une princesse, mais malheureusement d’une autre principauté, le Botan1. Dans le Kurdistan médiéval, leur amour est impossible et les deux amants meurent sans espoir.

La tragique histoire d’amour de ce couple, issue d’un conte populaire kurde, a été mise à l’écrit à la fin du xviie siècle par Ehmedê Khani. Maître spirituel, poète et philosophe, le cheikh est aussi un voyageur lettré, frappé par le morcellement politique du Kurdistan. Il comprend la précarité du peuple kurde, divisé en une kyrielle d’États autonomes placés sous l’autorité de la Sublime Porte ou de l’Empire perse.

Ainsi, au-delà de la tragique histoire d’amour, Mem o Zîn met en scène la nécessité pour les Kurdes de créer un État uni. Écartelé entre l’Empire ottoman et la Perse, instrumentalisé dans l’instauration des frontières au xvie siècle, le Kurdistan est au cœur du jeu des puissants. Ce peuple des montagnes se retrouve par conséquent victime de conflits incessants qui opposent les deux empires. Une seule solution : l’unité.

Symboles du nationalisme kurde naissant, il y a plus quatre siècles, les deux amants reçoivent ainsi le lecteur de la toute nouvelle revue en langue kurde, Kurd’Înalco. La métaphore reste toujours cruellement d’actualité pour le peuple kurde en butte avec des intérêts géopolitiques d’une actualité certaine.

En mai dernier, cinq étudiants de l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), établissement public d’enseignement supérieur et de recherche parisien, ont lancé une revue généraliste en langue kurde : « Nous voulions dire aux Kurdes : vous pouvez écrire avec votre langue ! » soutient Baker Alkurdo, l’une des chevilles ouvrières du projet.

Aujourd’hui, le kurde est une langue principalement orale, parlée par plus de 30 millions de personnes vivant au Proche-Orient ou parmi la diaspora, en Occident et dans les anciennes républiques soviétiques du sud de l’URSS. Elle est fragmentée en dialectes, dont les deux principaux sont le kurmandjî, parlé au nord du Kurdistan, et le soranî, au sud, chacun ayant donné naissance à une langue littéraire sans jamais avoir l’occasion de s’unifier, sans doute en raison des divisions politiques et territoriales.

Sur les quatre entités territoriales du Kurdistan, seule la région autonome du Kurdistan irakien permet à ses habitants de l’utiliser dans le monde de l’écrit et des idées. C’est la langue d’apprentissage principale à l’école depuis l’autonomie de la région en 1991, avec une place importante apportée à l’anglais et non à l’arabe, que les jeunes générations ne comprennent pas systématiquement, tandis qu’en Syrie, en Turquie et en Iran, elle a peu ou prou une existence officielle, tout comme les Kurdes eux-mêmes.

« En Syrie, la langue kurde commence à avoir une existence autonome au Rojava2. En Turquie, il y a eu une timide ouverture entre 2000 et 2007, mais, après cette période, l’État a fait marche arrière », expose Baker. La situation n’est pas plus enviable en Iran, où, malgré une population kurde de près de 10 millions de personnes, la deuxième plus importante population kurde de la région après la Turquie, seules quelques rares publications et un timide enseignement universitaire sont tolérés. Devant de telles difficultés au Kurdistan historique, l’investissement de la diaspora dans la sauvegarde de la culture relève d’une mission primordiale.

Baker est un Kurde de Syrie ; pour lui, ce que les Kurdes n’ont pas réussi au Proche-Orient, c’est-à-dire la transmission et la valorisation de la langue, a été rendu possible en France : « Cette revue en est l’exemple. » Littérature et grammaire kurde, action sociale, histoire, droit, technologie, Kurd’Înalco se veut un outil de promotion de la culture et de la langue kurdes, mais également de la langue pour elle-même, comme vecteur de communication pur.

« La plupart des Kurdes ont du mal à écrire avec leur langue, surtout des choses techniques. » Considérés comme un dialecte par ses usagers, elle peut être utilisée pour parler du quotidien, moins de l’intellect, à l’instar de toutes ces langues supplantées par celle du plus fort, le breton par le français, l’amazigh par l’arabe, le gaélique par l’anglais…

Le parcours de Baker illustre cette situation. En France depuis dix ans, il a émigré dans l’Hexagone pour étudier l’économie. Après avoir obtenu son master, il se tourne vers l’Inalco et recommence un cursus universitaire en première année, poussé par le désir de mieux connaître sa langue maternelle. Aujourd’hui, ils sont une cinquantaine à suivre cet enseignement à l’Inalco. « Je parlais kurde mais je ne connaissais pas la grammaire. J’avais besoin d’approfondir ma connaissance de la langue », se souvient le jeune chercheur du Centre de recherches syriennes (CRS).

En Syrie, Baker a toujours étudié en langue arabe, comme tous les écoliers, collégiens, lycéens, étudiants du pays, Kurdes y compris. « J’ai reçu un enseignement baasiste », explique-t-il brièvement. Il poursuit : « L’Irak et la Syrie étaient baignés dans l’idéologie du panarabisme, le nationalisme arabe, qui refuse l’existence des Kurdes sur ces territoires. »

Les membres de la revue ont fait appel à des contributeurs de tout le Kurdistan, mais aussi de Paris et d’Île-de-France : « Nous leur avons demandé d’écrire des articles en lien avec leurs disciplines. Des papiers sur des points précis de grammaire kurde ou sur la culture kurde côtoient des articles sur la 5G et les mathématiques », résume Baker.

En outre, ce vivier hétéroclite permet de consolider les liens entre la diaspora et « là-bas » : « Depuis les années 1970-1980 et l’exode des Kurdes fuyant les persécutions de Saddam Hussein en Irak ou la guerre entre le PKK et la Turquie, les Kurdes arrivés en France n’ont pas eu de rôle politique majeur dans l’Hexagone. Souvent, ils ont considéré que leur langue était arriérée. Alors, à quoi bon la transmettre ? »

Or, pour Baker et ses camarades d’écriture, la question de la langue représente une unité retrouvée. Celle qui est en tension permanente depuis des siècles au cœur du Moyen-Orient : « Sur le plan politique, il existe de réelles divergences, mais lorsqu’on aborde la question de la culture, personne ne peut être contre. »

Dans l’histoire moderne de la transmission de la langue kurde, la diaspora continue ainsi à jouer un rôle important. Primordial. Kurd’Înalco s’inscrit dans une longue tradition de revue culturelle en lien avec le politique. « En 1898, Kurdistan paraît au Caire, éditée par l’intellectuel kurde Midhat Bedirxan », peut-on lire sur une présentation de la revue parue sur le site Internet Kurdistan au féminin. « Les intellectuels kurdes publient ensuite d’autres revues, loin du Kurdistan, notamment Roji kurd, fondée en 1913 à Istanbul, puis Hawar, qui a vu le jour à Damas en 1932, sous le mandat français. En 1949, l’Association des étudiants kurdes d’Europe fonde une revue en langue kurde intitulée Dengê Kurdistan (la voix du Kurdistan). Aujourd’hui, les étudiants kurdes de l’Inalco et d’autres universités françaises ont décidé de continuer sur la voie tracée par ces intellectuels kurdes et d’endosser cette tâche inestimable. »

Leviers de la diaspora, les modestes 270 exemplaires de ce premier numéro autofinancé s’inscrivent pleinement dans un processus de valorisation de la langue, clé d’une unité culturelle pouvant aboutir à une unité politique à construire et à négocier.

D’autres pistes sont exploitées. Ainsi, depuis deux ans, l’accueil des Kurdes nouvellement installés en France, en région parisienne, se fait en kurde et non en arabe ou en persan. Et le jeune chercheur évoque des pistes de travail : une option au lycée ? Un enseignement en crèche ?

Seul un usage hors du strict foyer familial pourra en effet permettre une réelle transmission, non pas pour en faire un beau tableau à afficher au mur, en guise de souvenir de famille, mais bien pour que vive et s’épanouisse « la voix des étudiants kurdes à Paris » et ailleurs.

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1. Cizre, située au sud-est de l’Anatolie, à la confluence des frontières turque, syrienne et irakienne, était la capitale de la principauté du Botan, dont Zîn aurait été la princesse. La ville abrite le tombeau des deux amants. D’après une légende locale, c’est également dans cette région que se serait posée l’Arche de Noé.

2. Le Kurdistan syrien, le Rojava (signifie « Kurdistan du Nord »), se trouve au nord de la Syrie, frontalier à la Turquie. Il s’est doté d’une existence politique autonome, encore fragile, consécutivement à la guerre civile commencée en 2011. En 1962, des milliers de Kurdes avaient été privés de la nationalité syrienne. En 2011, dès les premières semaines de manifestations dans la région, Damas accorde la nationalité à plus de 300 000 personnes et autorise la création d’écoles en langue kurde.

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Pour aller plus loin

« La langue et la littérature kurdes », par Joyce Blau, professeur à l’Inalco (article en ligne : institutkurde.org/langue).

Kurd’Înalco

Kurd’Înalco. Kovara xwendekarên kurd ên Parîsê (la voix des étudiants kurdes à Paris) est en vente à 6 € au Centre démocratique du Kurdistan (16, rue d’Enghien, Paris), à l’Institut kurde de Paris (106, rue La Fayette, Paris) et sur lepotcommun.fr/pot/ti1o9qgr. Quelques exemplaires du premier numéro ont été envoyés au Kurdistan.

Les Kurdes d’Irak s’organisent pour le Rojava

Le Peuple breton – 29 octobre 2019 – http://lepeuplebreton.bzh/2019/10/29/kurdes-irak-rojava/

Loin de l’agitation médiatique des puissances qui s’arrangent entre elles, les Kurdes irakiens organisent une collecte nationale pour apporter l’aide nécessaire aux 300 000 réfugiés du Rojava. Pour eux, il n’a jamais été question que la guerre cesse.

Depuis le début de l’offensive turque, la cour d’Amna Suraka (la Prison rouge) ne désemplit pas. Camionnettes, voitures et taxi déversent des denrées alimentaires et de premières nécessités, de manière régulière et ininterrompue, aux portes du musée. Prises en charge par la centaine de bénévoles présents, les marchandises transitent de bras en bras. Elles sont d’abord comptabilisées, sommairement stockées et enfin acheminées vers des camions. « Une vingtaine sont déjà partis » annonçait dès le début de l’opération, Adji Afrini, responsable des réfugiés kurdes du Rojava de Sulaymaniah, la capitale culturelle du Kurdistan irakien.

Représentant élu depuis 7 ans par ses compatriotes, il représente les 40 000 réfugiés kurdes syriens auprès des autorités locales. Depuis le début de l’offensive turque contre le Rojava, M. Afrini collabore étroitement avec plusieurs organisations de la société civile dans une opération humanitaire d’envergure. Initiée par KurdSat, l’une des plus importantes chaîne de télévision de la région, elle rassemble plusieurs organisations phares – et malheureusement aguerries- de l’aide envers les réfugiés et les populations en difficultés. « Toutes sont réunies pour transmettre un message de paix », insiste M. Alain, directeur de l’université polytechnique de Sulaymaniyah et invité de KurdSat. La télévision lancée en 2000 par Hero Ibrahim Ahmed, veuve du très aimé Jalal Talabani, chef historique du PUK et ancien président d’Irak, a installé un studio dans la cour du musée afin de faire des appels aux dons en direct. Les personnalités politiques et culturelles du Kurdistan se relaient ainsi au micro des journalistes. « Hier, nous avons demandé aux entreprises de nous aider, et aujourd’hui par exemple une entreprise de nettoyage de la ville a envoyé ses salariés ici », expose une bénévole de l’association humanitaire irakienne CDO, le visage tiré par la fatigue accentuée par la chaleur déjà intense de la matinée.

Malgré l’annonce du cessez-le-feu annoncé en grande pompe par l’administration américaine il y a une semaine, le ballet incessant de l’aide humanitaire n’a pas cessé. « Les Américains ne sont pas nos alliés », expose brièvement Baktyiar Kadir Mirza guide au musée. M. Afrini poursuit : aucun espoir ne réside dans l’accord américain. La guerre va continuer, cela ne fait pas de doute. D’autres personnes sont plus virulentes, comme cet ancien peshmerga pour qui Erdogan et Trump travaillent main dans la main pour chasser les Kurdes en évitant les pertes militaires turques. «  Il y a eu beaucoup de mort de leur côté. Mais de notre côté, nous ne capitulerons pas », prévient-il. Qu’en est-il des leurs positions sur l’accord signé entre la Russie et Ankara? Tous s’accordent à dire que le conflit va s’enliser, les grands perdants de ces accords étant les Kurdes, ils ne sont pas acceptables.

Symbole de la résistance du peuple kurde, la Prison rouge est une ancienne prison du régime de Saddam Hussein, aujourd’hui musée et haut lieu culturel de la ville. Des milliers de Kurdes y ont été torturés et exécutés lors de l’opération génocidaire Anfal entre 1986 et 1989. Les Peshmergas, milice kurde formée de résistants à l’oppression du régime baasssite, l’ont libérée en 1991. C’est donc tout un symbole que tous se retrouvent ici, avec un sentiment partagé d’appartenir à une seule et même entité : le Kurdistan. On trouve ainsi l’association humanitaire irakienne CDO, l’association Self Children, les anciens prisonniers et résistants de Friadass et enfin la fondation Ibrahim Ahmad, du nom du père de l’ancienne première dame d’Irak initiateur du PUK avec Jalal Talabani, son beau-fils. Sous la houlette du directeur des lieux, le caricaturiste Ako Ghareb, tous travaillent de concert pour pallier l’urgence que vivent les déplacés.

Fief du PUK, Sulaymaniah, au Sud du Kurdistan irakien, est une base arrière pour la lutte qui se joue actuellement au Rojava. Sans que le parti de Jalal Talabani, mort l’année dernière, ne prennent officiellement de position, la population, elle, soutient la lutte armée en Syrie. « Nous ne pouvons pas faire de déclaration officielle comme les pays européens » explique sous le sceau de l’anonymat un homme politique de la région. « Notre état n’est pas assez fort pour se heurter à la Turquie ». Pour preuve, les bombardements turcs désormais quasi quotidiens dans la région de Qandil, au Nord du Kurdistan, base arrière du PKK, parti kurde turc contre lequel Erdogan mène une lutte féroce depuis des années. Les idées développées par son leader charismatique Abdullah Öcalan sont à la base du système politique mis en place au Rojava : le communalisme. Il s’agit d’un pouvoir décentralisé transcendant les divisions basées sur le sexe, l’origine ethnique et la religion. D’où l’intervention de la Turquie au Rojava : elle considère le Parti de l’union démocratique (PYD) et ses branches armées – les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités de protection de la femme (YPJ) – comme des mouvements terroristes qu’il faut éradiquer. Turquie, Syrie, Irak, là où le PKK égraine, le régime d’Erdogan intervient militairement.  

Les positions diamétralement opposées des deux partis historiques du Kurdistan irakien, le PDK et le PUK brouille un peu plus les pistes. Partisan d’Ankara, le PDK soutiendrait la Turquie dans sa lutte anti-PKK en autorisant l’armée à accéder au Nord du Kurdistan irakien, son fief. Le PUK, lui, basé au Sud, aurait envoyé de manière officieuse des peshmergas des unités spéciales, en soutien aux YPG. Des jeunes volontaires sont également partis au front, comme en attestent les nombreuses publications sur les réseaux sociaux. Mais aucune voix officielle ne s’aventure à faire des annonces. C’est donc la société civile qui se mobilise et émet de virulentes dénonciations de la nouvelle entrave faite à la liberté du peuple kurde.

À l’heure des négociations avec les puissances turques, américaines et russes, les Kurdes d’Irak ne croient pas à une résolution du conflit. «  Les Kurdes ne lâcheront pas leur territoire. Le risque est l’enlisement dans une guérilla, comme ce qui se passe à Afrin », prévient un ancien combattant des YPG.

A lire : La lettre de PKK au Peuple américain : https://rojinfo.com/lettre-du-pkk-au-peuple-americain-et-au-president-trump/

Accord de paix?

Quel est l’état d’esprit de nos amis kurdes à Sulaymaniyah 24h après l’annonce triomphale du cessez-le-feu par Donald Trump? Je vous laisse en juger avec deux caricatures du peintre Ako Ghareb, directeur du musée de la Prison rouge de Sulaymaniah ( symbole de la résistance du peuple kurde, ancienne prison du régime de Saddam Hussein, aujourd’hui musée et haut lieu culturel de la ville).

Sulaymaniyah, Erbil, Dohuk… Une aide d’une ampleur nationale y est en cours avec la collecte massive de denrées alimentaires et de produits de première nécessité pour les 300 000 réfugiés du Rojava. Plus d’info très bientôt.

Ako Ghareb – octobre 2019
Ako Ghareb – octobre 2019

Bijî Kurdistan

Depuis 10 jours maintenant, « les gilets jaunes » irakiens manifestent à Bagdad et ailleurs en Irak. Ils réclament une vie meilleure, sans violence, sans corruption, sans chômage. Des miliciens, dont on ignore l’appartenance, tirent sur la foule. Il y a des centaines de morts.

Hier, la Turquie a lancé son attaque contre le Rojava, la partie ouest et syrienne du Kurdistan située au Nord-Est de la Syrie. Déjà, des images terribles circulent sur les réseaux sociaux, relayées par des amis kurdes. Afin d’isoler la région de sa base arrière, les Turcs ont bombardé le nord du Kurdistan irakien, du côté de la province de Dohuk. C’est malheureusement une habitude. Il y a eu des morts.

La communauté internationale condamne unanimement cette attaque. Certes. Allons-nous laisser les Kurdes seuls face à leur agresseur? Bachar El Assad pourrait réagir contre l’invasion du territoire syrien. Mais à quel prix? Pour lui, les Kurdes du YPG ( la force armée qui a lutté contre Daesh ces dernières années) sont « comme des enfants égarés ». La mise en place d’une province autonome n’est pas du goût du dictateur.

Confiance

C’était dans le bus il y a quelques jours. C’était la 1ere fois que je le prenais. Petit bus gris et bleu, d’une douzaine de places. Il démarre quand il est plein et part droit devant, sur la grande avenue de Salam Street.

Devant la porte du véhicule, un billet de 1000 dinars à la main, j’observais autour de moi : comment faire pour régler mon dû? Aucune indication, aucune aide particulière si ce n’est cet homme, au téléphone m’indiquant par un léger mouvement de tête que je pouvais monter. Le chauffeur sans doute.

Je me suis donc installée.

Quelques secondes plus tard, l’homme au téléphone ( ou un autre?) est monté à son tour, s’est installé à la place conducteur et a démarré le mini-bus. Mon voisin de banquette ( j’étais au fond), m’a alors demandé ( par signes de tête et de mains interposés) de lui donner mon billet ( de dinar, pas de bus, vous ne suivez pas!). J’ai hésité quelques secondes, il a insisté. Je lui ai donné. Et là, peu à peu, les billets sont passés d’une main à l’autre, chacun mettant son dû, reprenant sa monnaie ( en billet car il n’y a pas de pièce), jusqu’à ce que le tout arrive au chauffeur. Aucune vérification, aucun comptage. Mais ces deux jeunes à mes côtés qui rigolaient : l’un d’eux avait semblé hésiter à donner de l’argent et l’autre m’a apparu comme un moralisateur amical qui lui chuchotaient des choses à l’oreille, un sourire collé au visage. Tous deux riaient.

C’était tout simplement extraordinaire.